Mutuelle santé : une hausse inéluctable de 3 à 10 % en 2026
Les cotisations de complémentaire santé s'apprêtent à franchir un nouveau cap en 2026. Entre vieillissement démographique, surtaxe d'un milliard d'euros sur les organismes complémentaires et explosion des dépenses de santé, les assurés français devront composer avec une augmentation moyenne de 4,3 % pour les contrats individuels. Une hausse qui, bien qu'inférieure aux pics de 2024 et 2025, s'inscrit dans une tendance lourde qui grève le pouvoir d'achat des ménages.
Décembre 2025. Dans les boîtes aux lettres des Français, les notifications de hausse des cotisations mutuelles s'accumulent. Après une année 2025 déjà marquée par une augmentation moyenne de 6 %, le secteur des complémentaires santé prépare un nouveau tour de vis tarifaire. Selon la Fédération nationale de la mutualité française, les tarifs grimperont en moyenne de 4,3 % pour les contrats individuels et de 4,7 % pour les contrats collectifs en 2026. Certains cabinets d'actuariat, comme Addactis, évoquent même des hausses pouvant atteindre 10 % dans les scénarios les plus défavorables.
Cette nouvelle augmentation intervient dans un contexte budgétaire particulièrement tendu pour la Sécurité sociale. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026, définitivement adopté le 16 décembre par l'Assemblée nationale, prévoit une surtaxe exceptionnelle d'un milliard d'euros sur les complémentaires santé. Une mesure qui, selon les professionnels du secteur, sera inévitablement répercutée sur les cotisations des assurés, malgré les dispositions votées par les députés pour tenter de l'éviter.
Les dépenses de santé explosent sous l'effet démographique
La hausse structurelle des dépenses de santé constitue le principal moteur de cette inflation tarifaire. En 2024, la dépense courante de santé a atteint 333 milliards d'euros en France, en progression de 3,6 % sur un an, selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Le cabinet de conseil Addactis anticipe même une explosion à 331 milliards d'euros d'ici 2030.
Le vieillissement de la population française explique en grande partie cette dynamique. Les personnes âgées, plus consommatrices de soins, représentent une part croissante des assurés. Les affections de longue durée progressent mécaniquement, générant des coûts supplémentaires pour les organismes complémentaires. Un quinquagénaire vivant à Paris nous confie avoir vu sa cotisation bondir de 12 % en deux ans : « À mon âge, on ne peut pas se permettre de réduire les garanties, mais ces hausses pèsent lourd sur le budget familial ».
Les innovations médicales, bien qu'elles améliorent la qualité des soins, contribuent également à l'envolée des coûts. Nouveaux traitements, technologies de pointe, équipements sophistiqués : la médecine moderne se paie au prix fort. Les mutuelles, qui prennent en charge une part croissante de ces dépenses en raison des transferts de l'Assurance maladie, n'ont d'autre choix que de répercuter ces coûts sur leurs adhérents.
Une surtaxe d'un milliard qui divise le secteur
La mesure fiscale adoptée dans le cadre du budget 2026 cristallise les tensions. Cette contribution exceptionnelle de 1 milliard d'euros, présentée par le gouvernement comme une correction des hausses jugées excessives de 2025, suscite la colère des organismes complémentaires. La Mutualité française a dénoncé « un triste jour pour notre modèle social », tandis que son président, Éric Chenut, a prévenu que « comme toute taxe, elle finit par se répercuter, même si l'impact n'est pas immédiat ».
Pour tenter de protéger les assurés, les députés ont voté un amendement interdisant explicitement aux mutuelles de répercuter cette taxe sur les cotisations en 2026. Mais cette disposition soulève des doutes juridiques. Olivier Moustacakis, cofondateur d'Assurland, interrogé par Public Sénat, estime que « dire que le gouvernement va bloquer les augmentations, c'est sûr que c'est anticonstitutionnel. C'est un marché libre, les assureurs font ce qu'ils veulent ». L'incertitude plane donc sur l'application réelle de cette mesure et, surtout, sur ses effets à partir de 2027.
Des transferts de charges qui s'accumulent depuis 2020
Au-delà de la fiscalité, les complémentaires santé subissent de plein fouet sur le montant de la cotisation de mutuelle les transferts de charges imposés par les gouvernements successifs. Dispositif 100 % Santé, baisse de la prise en charge par la Sécurité sociale de certains soins dentaires, révisions des règles de remboursement sur les transports sanitaires : les mesures réglementaires se multiplient et élargissent le périmètre d'intervention des mutuelles.
Ces transferts, qui représentent plusieurs centaines de millions d'euros, renchérissent directement les charges supportées par les organismes complémentaires. Une habitante de Bordeaux, salariée dans le secteur privé, témoigne : « Ma mutuelle d'entreprise a augmenté de 7 % cette année. On nous explique que c'est à cause des nouvelles obligations, mais au final, c'est nous qui payons ». Cette dynamique, amorcée dès 2020, s'est intensifiée avec la sortie de crise sanitaire et le rattrapage des soins différés pendant les confinements.
Quelles stratégies pour maîtriser son budget santé en 2026
Face à ces hausses, les experts recommandent aux assurés de ne pas subir passivement. Comparer régulièrement les offres du marché constitue la première ligne de défense. Les écarts tarifaires peuvent atteindre 40 % pour des garanties équivalentes, selon plusieurs études du secteur. Un couple de retraités lillois nous explique avoir économisé plus de 500 euros par an en changeant de mutuelle : « Nous avons utilisé un comparateur en ligne et découvert des offres bien plus compétitives. C'était pourtant pour des garanties identiques ».
Adapter ses garanties à ses besoins réels permet également de limiter les coûts. Inutile de souscrire des remboursements élevés en optique si l'on ne porte pas de lunettes, ou en dentaire si l'on n'envisage pas de soins onéreux à court terme. La loi Hamon autorise la résiliation à tout moment après un an d'engagement, facilitant ainsi les changements d'assureur. Les experts conseillent de réviser son contrat tous les deux ans pour s'assurer de bénéficier des meilleures conditions du marché.
Pour les salariés, négocier avec son employeur représente un levier souvent sous-exploité. Les contrats collectifs, moins touchés par la hausse que les contrats individuels en 2024, bénéficient d'effets de mutualisation qui peuvent atténuer l'impact des augmentations. Certaines entreprises acceptent de renforcer leur participation financière pour préserver le pouvoir d'achat de leurs équipes.
Les publics fragiles dans la ligne de mire
Les seniors et les familles figurent parmi les plus exposés à cette inflation tarifaire. Un couple de retraités peut voir sa cotisation annuelle grimper de plusieurs centaines d'euros, avec des hausses comprises entre 8 et 12 % selon certaines projections pour les tranches d'âge les plus élevées. À titre d'exemple, le tarif moyen pour un couple de retraités s'établit déjà autour de 225 euros par mois en 2025, soit près de 2 700 euros par an.
Les familles ne sont pas épargnées. Pour quatre personnes, le budget mutuelle atteint en moyenne 1 600 euros par an. Une augmentation de 5 %, soit environ 80 euros, peut sembler modeste rapportée à l'année, mais elle s'ajoute aux autres hausses du quotidien dans un contexte de pouvoir d'achat déjà fragilisé. Les jeunes actifs et les indépendants, moins consommateurs de soins mais tributaires de cotisations indexées sur les risques collectifs, subissent également de plein fouet cette dynamique.
Pour les ménages les plus modestes, le recours à la Complémentaire santé solidaire (CSS) peut constituer une solution. Ce dispositif, gratuit ou accessible moyennant une participation forfaitaire de 8 à 30 euros selon l'âge, offre une couverture santé de base à ceux qui remplissent les conditions de ressources.
Alors que le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre 19,4 milliards d'euros en 2026, la question du financement du système de santé français reste plus que jamais au cœur des débats, laissant présager de nouvelles tensions tarifaires dans les années à venir.